10 décembre 2008

Le lean, l’innovation, la profitabilité et le long terme

Quel est but d’une entreprise? C’est ma question favorite aux étudiants. En général, cela déclenche beaucoup de discussions. Je dois avouer qu’au fil des années la réponse qu’ils donnent à cette question est de plus claire et précise : « gagner de l’argent ». C’est en effet la réponse que l’on trouve également dans « le but » d’E. Goldratt. Cette réponse est probablement la plus partagée… Très souvent je la complète en rajoutant le besoin d’avoir une vision long terme car la stratégie utilisée pour gagner de l’argent rapidement ne peut pas exactement être la même pour gagner de l’argent à long terme. Entre les deux il y a souvent une grande différence qu’illustre l’écart de forme entre Toyota et GM actuellement.

Beaucoup de dirigeants d’entreprises prennent des décisions sur la seule base de la profitabilité (court terme) du projet et des risques associés. Ce sont clairement les critères financiers qui sont pris en compte : « Où devrais-je investir mon argent pour qu’il soit le plus rentable rapidement? » Cela semble bien raisonnable au premier coup... Eh bien, si Toyota prenait ses décisions sur la base de ces indicateurs, ils n’auraient jamais lancé une nouvelle marque appelée Lexus (les risques étaient trop élevés) et encore moins la Prius. En effet, comme le prétendait avec raison, la plupart des dirigeants du secteur de l’Automobile, la Prius n’était pas rentable. Des Big 3 aux PDG européens, chacun avait au moins un argument défavorable. Je me souviens d’une interview de Carlos Ghosn dans un journal américain qui conseillait « do the math » ; littéralement « faites les calculs » et vous verrez que cette voiture ne sera jamais rentable. PSA, pour sa part, a beaucoup communiqué sur les petites voitures ou les moteurs diesels, comme étant les « véritables » solutions a la réduction de la consommation des voitures avant de lancer son propre projet hybride (électrique-diesel) avec un objectif de commercialisation pour 2008.

Ces PDG avaient, peut-être, tout simplement oublié que parfois il ne faut pas décider uniquement sur la base de la profitabilité des projets. Certaines données de l’instant « I » utilisées dans la prise de décision peuvent changer rapidement. Il faut certainement intégrer davantage que la dimension profitabilité pure et immédiate… La Prius a été un jackpot sur toute la ligne pour Toyota (plus de 600.000 Prius vendues aux USA à ce jour). Au début cela a été une formidable opération marketing et quand le prix de l’essence a commencé à augmenter, le projet a également commencé à faire sens économiquement. Aujourd’hui tous les fabricants d’autos ont un projet d’Hybride en cours ou récemment achevé. On est en 2008, cela fait 8 ans que la première Prius est sortie ! Huit ans de retard, cela fait mal dans un secteur hyper compétitif. Le pire ou l’ironie c’est que certains constructeurs tel que GM avait de pris de l’avance dans le domaine avant que certains financiers du groupe expliquent qu’il fallait abandonner ces projets car non rentables. Les travaux des équipes de recherche sur le sujet remontent au années 70. Cela a continue jusqu’aux années 90 quand GM a finalement décidé d’abandonner le véhicule électrique EV1 car ils avaient d’autres priorités… Aujourd’hui GM, en très mauvaise état, reconnaît que cela fût une erreur stratégique. Dans le plan présenté au congrès américain pour obtenir l’aide de l’état, GM s’engage à concentrer une grande partie de son énergie sur ce type de voitures.


Cette tendance à décider sur la base des critères financiers (comme si on plaçait de l’argent) n’est certainement pas surprenante quand on regarde le background de la plupart de managers. GM a quasiment toujours eu des financiers à sa tête. Les décisions prises essentiellement sur la base de critères financiers ont tendance à favoriser le court terme au détriment du long terme et, par conséquent, peuvent quelquefois jouer contre l’innovation (comme on l’a vu sur l’exemple de GM). L’approche purement financière a également un autre inconvénient : celui de pousser vers la diversification. La diversification, n’est-ce pas un principe très important en investissement financier ? Alors savez-vous combien de marques a GM ? Réponse (13 marques) : Buick, Cadillac, Chevrolet, GM Daewoo, GMC, Holden, Hummer, Opel, Pontiac, Saab, Saturn, Vauxhall, et Wuling. Ce n’est pas vraiment de la diversification mais le principe y est.

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