22 novembre 2008

“Aller a la soupe populaire en Porsche”

La semaine dernière les PDG des big 3, Rick Wagoner de GM, Alan Mulally de Ford and Bob Nardelli de Chrysler étaient à Washington pour implorer l’aide de l’état américain face à leur difficultés économiques. Leur démarche a largement été perturbée par le moyen de transport utilisé pour se rendre a Washington. Ils sont tous les trois arrivés en Jets privés. Comme qui dirait, ce serait comme “Aller a la soupe populaire en Porsche”. Cela a provoqué beaucoup de réactions et complètement éclipsé leur cause. D’autres informations ont filé… Par exemple selon des sources rapportées par le site de la chaine de TV américaine ABC la rémunération du CEO de Ford inclurait une compensation de 752.203 dollars liée a l’utilisation du jet de la compagnie pour des déplacements privés. Tout cela fait un peu désordre…

Mon commentaire : Il est possible que ces 3 compagnies trouvent une logique économique, de sécurité ou autre à faire voyager leur PDG dans des jets privés mais il y a quelques fondamentaux en management : quand on demande aux gens de faire des efforts (que cela soit en période de crise ou en conduite de changement), on doit comprendre que la dimension émotionnelle (la perception, la communication) est plus importante que la logique, même celle implacable des chiffres !

Aux dernières nouvelles GM aurait décidé de se débarrasser de 2 de ses jets privés. Selon le porte-parole de l’entreprise cela n’aurait rien à voir avec les critiques de ces derniers jours… La décision aurait été prise avant. Que cela soit vrai ou pas, force est de constater que l’actualité est truffée de ce type de coïncidences.

20 novembre 2008

Ce que la crise nous apprend sur Toyota


Ci-dessus, se trouve la courbe de production mondiale de Toyota. Comme on peut le constater, à l’exception d’une période au tour des années 90, Toyota a toujours été dans un cercle vertueux. « Les activités d’amélioration continue me permettent d’augmenter mes marges et mon matelas financier me permet d’invertir dans mes salaries pour en faire les personnes plus motivées et mieux formées de l’industrie, ces salariés me permettent d’aller plus loin dans mes activités d’amélioration pour attirer encore plus de clients, croitre et gagner encore plus d’argent ». Combien de fois des gens, quand je leur parlais des solutions lean chez Toyota, m’ont répondu. « Oui mais Toyota peut se le permettre cela car, il ne connait pas la crise ! » Eh bien, j’ai une info pour ces personnes : Toyota connait la crise maintenant. L’entreprise nippone est certes un peu moins frappée que les autres mais elle connait bel et bien la crise (-25,9% de ventes aux USA). Le point positif de cette situation est que l’on va pouvoir voir comment Toyota se comporte pendant la crise, comment son modèle fonctionne…On va pouvoir observer comment ils appliquent leur bons principes sur le respect des salariés. En effet, il est facile d’être « généreux » avec ses salariés quand tout se passe bien mais cela est moins évident quand les temps difficiles sont là.

La crise n’étant pas nouvelle, on a déjà pu observer quelques actions de Toyota depuis l’apparition de la crise. Dans les usines des US fabriquant les trucks et de SUV (en forte baisse), un bonne partie des salariés a été envoyée en formation, affectée à certaines tâches d’amélioration ou mutée sur d’autres sites (Toyota contrairement aux big 3 n’a pas mis tous ses œufs dans le panier des trucks et SUV). Jusque là, rien à redire…Surtout quand chaque jour arrive avec son lot de licenciements (exemple récent : Citigroup se sépare de 50.000 personnes). Cela dit, ne nous y trompons pas, même dans la crise, les « inégalités » demeurent voire s’amplifient. Toyota était en meilleure position que les autres avant la crise, Toyota est encore en bien meilleure position pendant la crise. En effet, avec son matelas de cash, Toyota est certainement capable de payer tous ses salaries pendant plusieurs années sans vendre une seule voiture avant de ressentir la moindre difficulté… Il est d’ailleurs possible que la crise agisse comme un épurateur… en accélérant l’agonie de certains constructeurs déjà malades ou moribonds. Et qui en profitera ? Toyota, bien sûr. Je ne sais pas si je dois me référer ici à la théorie de Darwin de « sélection naturelle » ou à celle d’Adam Smith de la « main invisible » qui trouve l’équilibre qu’il faut dans l’économie… Toujours est-il que la crise pourrait précipiter plusieurs des grands joueurs (notamment parmi les big 3) vers la banqueroute ou, au mieux, les amocher sérieusement. Cela donnera mécaniquement plus de part de marche à Toyota. Une fois de plus le lean, n’est pas une panacée (surtout en période de bonne économie), mais quand les temps durs arrivent, les entreprises les plus lean (surtout celles qui l’ont mise en œuvre depuis longtemps) sont mieux équipées pour en ressortir en meilleure position que leurs concurrentes…

18 novembre 2008

Manager c’est enseigner, mais comment?

Dans mes précédents posts, j’ai souvent insisté sur le fait qu’un bon manager devait surtout être un bon enseignant. Alors comment doit-il enseigner ? Est-ce en donnant des instructions claires et directives ? En précisant clairement à ces collaborateurs ce qui est important à retenir ?
Ma réponse : rien de tout cela. L’enseignement doit se faire par le questionnement. L’enseignant pose des questions. Le but n’est pas de voir si le collaborateur va pouvoir deviner la réponse qu’il a dans la tête (façon : on va voir si tu as la bonne réponse ou si tu as révisé ton cours). Comme le savent tous les « experts » de l’éducation, la réponse en tant que telle n’est pas ce qu’il y a de plus utile à l’étudiant. Le plus important est le processus par lequel il y arrive. Amener un étudiant à trouver une réponse lui-même lui permet de ne mieux comprendre et est une garantie d’un bon apprentissage… c’est aussi un processus qui permet d’obtenir un alignement être la compréhension que le manager et son collaborateur ont du problème à résoudre.

Si vous êtes le genre de chef qui donne de manière directive des instructions claires directes à ses collaborateurs (ce qui est considéré par certains comme une preuve d’autorité et de compétence) faites donc attention a votre mutation, elle pourrait être mal perçue, du moins dans un premier temps, par vos collaborateurs. « Tu as vu ? Notre chef est devenu bizarre. J’attends de lui qu’il soit directif et clair comme d’habitude et il me pose des questions, j’ai l’impression qu’il ne sait pas ce qu’il veut. ».

14 novembre 2008

Le ticketing électronique : eliminer ou chasser le gaspillage?

Je me souviens d’un consultant qui, il y a quelques années, nous conseillait de chasser le gaspillage quand on ne pouvait pas l’éliminer. Un domaine dans lequel le gaspillage a été chassé ces dernières années est celui du ticketing. Tout ou presque est électronique maintenant. Très souvent pour justifier l’intérêt de leur démarche les compagnies ou les secteurs d’activité qui s’y sont mis avancent le bien fait écologique généré par le gain de papier. Il mettent en avant l’économie du papier utilisé pour imprimer les tickets. Cet argument me laisse en général sceptique. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que si on fait le bilan « avant » et « après » de la chaine de valeur opérationnelle (du fournisseur au client) le gain en papier n’est pas évident. En effet, avant, le fournisseur (la compagnie aérienne) imprimait un billet (de préférence sur papier cartonné) et me l’envoyait. Je gardais ce billet jusqu'à mon enregistrement. Aujourd’hui, avec le ticketing électronique, la même compagnie m’envoie un email de plusieurs pages (pleine d’infos) et comme je ne sais pas laquelle de ces infos est importante ou celle qui me sera réclamée à l’enregistrement, j’imprime tout, y compris le logo de mon fournisseur, celui de lotus notes ou de Gmail (si je le reçois via mon adresse chez Gmail) y compris tous les avertissements, de plusieurs lignes, que chaque intermédiaire y rajoute. « Téméraire » comme je suis, je prends le risque d’imprimer en noir & blanc mais j’en connais, autour de moi, qui impriment en couleur pour être certain qu’aucune info n’est altérée. Me voila avec 4 pages de documents imprimés 3 semaines avant mon voyage. Je présume que personne ne fait l’effort d’être succinct ici (en terme d’info) car cela ne coûte rien d’en donner plus, en effet tout est électronique et « cela ne mange pas de pain »… Puis, inconsciemment, comme je sais que ce document est reproductible à souhait (il suffit, en effet, de le réimprimer quand j’en aurais besoin) je ne le range pas spécialement bien. Me voila à la veille de mon voyage et je ne retrouve plus les 4 pages que j’ai imprimées il y 3 semaines. Et voila, je réimprime de nouveau les 4 pages …
Me voici donc devant le comptoir pour l’enregistrement le jour de mon voyage. Qu’est-ce que je fais ? Je m’avance vers l’hôtesse en charge de la réservation, et lui tends mon document de 4 pages. Comme avant je lui tends un document papier. Rien n’a changé par rapport à « avant » sauf que cette fois-ci j’ai dû imprimer 8 pages. Le bilan en terme écologique n’est certainement pas positif. Certes, et c’est là que les compagnies utilisant le ticketing électronique manquent de franchise, ma compagnie de transport a fait l’économie d’impression de mon billet (c’est beaucoup d’argent en terme d’économie) mais elle a chassé ce gaspillage vers moi (le client). Le ticketing électronique, a ce jour, fait gagner de l’argent aux compagnies qui les émettent mais il n’est pas évident que cela soit un « plus » écologique pour la planète.

Au delà du ticketing, force est de constater que l’immatérialisation des documents en plein développement autour de nous n’entraine pas toujours une réduction de la consommation du papier. Soyons clairs, je ne plaide absolument pas pour le retour au papier dans le ticketing. Je dénonce tout simplement la communication (ou le modèle de chiffrage) des compagnies impliquées. Pour être sérieuse sur l’impact environnemental, les compagnies qui passent aux tickets électroniques devraient encourager voire récompenser l’utilisation des cartes d’identification (carte de crédit, carte d’abonnement, carte de fidélité,…). Elles devraient également fiabiliser et rendre robuste l’utilisation des cartes d’identifications associées aux tickets électroniques de manière rassurer les clients et éviter des impressions inutiles. Même dans ce cas, mon petit doigt me dit qu’un certain nombre de personnes, par prudence, (car un le voyage est un événement stressant pour beaucoup de personnes) continueraient à les imprimer. C’est certainement leur façon de réduire leur niveau de stress potentiel lié au risque de dysfonctionnent du système d’identification ou du système informatique en général, systèmes auquel ils n’ont pas entièrement confiance.

Et, à propos de la « chasse du gaspillage », elle doit se faire vers l’amont (le fournisseur) et non vers l’aval (le client), comme l’on le voit de plus en plus dans certains services…

10 novembre 2008

Rien à voir avec le lean?

La semaine dernière j’étais à Chicago pour assister à la victoire historique de Barack Obama. J’étais dans foule de personnes que vous avez vue à la télé, au Grant Park, lors de son discours de victoire ? Mais qu’est-ce qu’Obama a à avoir avec le lean ? Dans un précédent post, je soulignais comment le Président élu des USA avait utilisé des principes du lean pour battre Hillary Clinton lors des primaires démocrates. Rien n’a changé lors des élections générales. Il a mené ce que les commentateurs politiques américains ont appelé une campagne « parfaite » qui sera enseignée dans les écoles de sciences politiques. Je ne vais pas revenir sur sa collecte de fonds record près de 700 millions de dollars.
Le 4 novembre j’ai pu vivre l’émotion des américains en direct, dans les rues : Blancs, Noirs, Asiatiques, Latinos,… Tout le monde s’embrassait…Même des personnes qui ne se connaissaient pas.
Quel est donc le lien entre la victoire d’Obama et l’entreprise ?

Il y a quelques temps j’ai eu l’honneur de participer aux réflexions sur la diversité dans une grande entreprise française. J’ai essayé, à l’occasion, de faire passer quelques messages simples. L’un d’eux consistait à dire que le test d’acide du niveau « d’inclusivité » d’une entreprise était que toute personne qui rentre dans l’entreprise quels que soient son background, sa couleur de peau, sa formation, son niveau social, sa religion,… devrait être capable de devenir PDG. Mon exemple favori était celui de Carlos Gutierrez, l’actuel secrétaire (équivalent ministre en France) au commerce. Ce cubain d’origine a appris à parler anglais en étant employé comme porteur dans un hôtel. Il est ensuite entré chez Kellogg en 1975 comme chauffeur de camions, a passé tous les échelons pour finalement accéder à la tête du groupe en 1999. Il est secrétaire au commerce depuis 2004. Aux USA, il y a eu de nombreux exemples comme ceux-là dans les entreprises. Le test d’acide restait en suspens en ce qui concernait la politique. Les USA l’ont passé avec succès le 4 novembre dernier… On peut désormais dire que tout américain, quels que soient sa couleur et son background peut devenir président… Le lien avec l’entreprise, le voici… Le véritable respect des employés qui est l’un des piliers du lean (le plus important selon Toyota) commence par l’existence réelle d’univers de possibilités. Il n’y a pas de motivateur plus puissant que de travailler dans un environnement ou tout est possible, si l’on est prêt à relever les défis et à produire les efforts nécessaires. Pour cela les règles de promotion doivent être claires, justes et équitables… La promotion ne doit donc pas être le fait d’un prince (quel qu’il soit) mais le résultat d’un processus connu et suivi par tous…
Un test tres simple à faire pour commencer : Combien de personnes dans votre organisation occupent la même fonction d’operateur depuis 15, 20, 30, 35 ans, comme j’en ai vues dans certaines entreprises ? Quelle en sont les raisons ?
Pour finir, laissez-moi reformuler le test d’acide « toute personne qui rentre dans votre entreprise, quels que soient son background, sa couleur de peau, sa formation, son niveau social devrait être capable de devenir PDG ». Est-ce le cas dans votre entreprise ?
Sinon, il se peut que votre démarche lean s’appuie sur un pilier en argile : celui du « respect des employés ». Cela, certes, ne vous empêchera pas de lancer une démarche lean voire d’avoir de gros gains sur le court terme.