31 octobre 2008

Le lean: est-ce une histoire de théorie ou de pratique?

Vous avez certainement eu l’occasion d’entendre autour de vous quelqu’un dire avec un certain dénigrement en parlant d’un « expert » du lean « celui-là c’est un théoricien, il parle des choses qu’il ne connait pas… ». De manière générale se faire appeler théoricien dans les milieux industriels en France n’est pas un compliment ! Alors comment expliquer que les références mondiales du lean, auteurs des bestsellers, soient tous des universitaires /chercheurs qui n’ont pas passé beaucoup de temps dans les ateliers. Par exemple Jeff Liker, Jim Womack, Dan Jones et Dan Roos, auteurs des deux bestsellers de tous les temps dans le domaine du lean, sont tous des chercheurs à l’origine. D’ailleurs Jeff Liker et Dan Roos sont encore respectivement Professeur à L’université du Michigan et au MIT.

Le milieu du lean est peuplé de personnes aux backgrounds très différents. Sans vouloir me lancer dans une quelconque taxonomie sociologique. Il y a à l’une des extrémités du spectre des gens que je qualifierais de «lean evangelicals ». Il s’agit, pour la plupart, de gens qui ont tout appris sur le terrain et qui croient au lean come à une religion. A l’autre extrémité du spectre, se trouvent ceux que j’appellerais les « lean intellectuals ». Qui sont en général des gens avec un solide background universitaire. Ces personnes sont, pour la plupart, auteurs d’un ou plusieurs bouquins sur le lean. Quelques uns d’entre eux méprisent le terrain et préfèrent passer du temps avec les Managers et les PDG pour discuter stratégie et autres sujet plus ou moins abstraits… Les «lean evangelicals » et « lean intellectuals » ne s’apprécient pas toujours mutuellement. Les un accusent les autres de passer du temps dans les bureaux et de ne pas savoir de quoi ils parlent. Les autres considèrent que les uns appliquent des outils sans les comprendre.

Toyota se considère comme une organisation apprenante « learning organization » constituée de chercheurs. Les gens sont vivement encouragés à essayer des choses et à réfléchir / apprendre de leurs actions (réussies ou non). Le bon équilibre me semble être celui traduit dans la citation suivante : “Action without theory is aimless; theory without action is lifeless”. Il se trouve que je suis arrivé au lean en « écrivant des équations » pour essayer de modéliser les systèmes de production (cliquer ici pour voir un exemple utilisé dans un cours au MIT). J’ai fait beaucoup de recherches sur le lean mais j’ai également participé a la mise en œuvre du lean (j’ai conduis et continue à conduire des chantiers sur le terrain). J’ai appris et continue toujours à apprendre via la théorie et la pratique. J’ai donc autant de respect pour les uns que les autres. La théorie nous permet de comprendre, prévoir et donner du sens, la pratique permet de valider et donner vie a nos idées. Attention, il y a des choses que l’on ne comprend que quand on les applique et les voit en action. Que l’on fasse la théorie ou que l’on soit dans l’action, le plus important est de comprendre / apprendre. C’est cela, a mon humble avis, le bon équilibre. Que ceux qui ont du mépris pour les « théoriciens » n’oublient pas qu’Albert Einstein a bâtit toute sa théorie sur la relativité sans jamais rentrer dans un Labo. Et, ce n’est que des années plus tard que l’on a pu vérifier et valider sa théorie.

26 octobre 2008

Back to basics… Le flux tiré (# 1)

Le flux tiré s’appuie sur la commande du «Client» qui tire le flux matière à travers le système (chaine) de production. Le flux tiré peut être vu comme une réaction en chaine initiée par la consommation du client. C’est bien en cela qu’il s’oppose au flux poussé dont le principe de base est de fabriquer le maximum de produits possible des que possible... Le flux poussé est souvent la traduction d’un manque de visibilité à la fois sur le besoin du client et sur process. Un directeur d’usine qui a un process très peu stable (pannes équipement, livraison de matières premières…) aura tendance à produire le maximum de ce qu’il peut dès qu’il le peut car l’avenir (la disponibilité de ses machines) est incertain… Une bonne image du flux tiré est celle du supermarché, qui aurait d’ailleurs inspiré Taiichi Ohno (le père du TPS, TPS signifie Toyota Production System) : « on ne remplace que ce que le client consomme sur les étagères… ». Dans l’imagerie populaire, le flux tiré est perçu comme le symbole par excellence du TPS. Il est d’ailleurs quelquefois erronément réduit au flux tiré et, le flux tiré erronément assimilé au kanban. Une fois de plus le kanban n’est pas un Système mais un moyen de communication de la demande du client à travers le système de production. Le kanban n’est qu’un outil d’un autre outil…

Les principaux avantages sont :
- Cet outil permet de diffuser la notion du « client » dans l’entreprise.
- Bien mis en œuvre, il doit permettre la réduction de vos encours, et autres stocks.
- Le flux tiré vous « contraint » de travailler sur la stabilité de votre process. En réalité, comme toute organisation de production, la stabilité du process est le pré requis à la mise en place du flux tiré.

Principaux inconvénients ou points à surveiller :
- Il existe plusieurs techniques, les étudier afin de déterminer celle qui est la plus appropriée à votre besoin.
- Certaines mises en œuvre mal conduites peuvent déboucher sur l’augmentation de vos stocks ainsi que de certains coûts de production.
- Ne pas se précipiter vers de outils électroniques et solutions sophistiquées largement rependues sur le marché. Commencer simplement par des jetons (signification du mot kanban) ou des cartes afin de vous assurer que la dimension pédagogique de la démarche n’est pas escamotée.

20 octobre 2008

Back to basics… La production lissée

Les principaux avantages
Le lissage de la production permet de :
- Eviter la surcharge physique par l’équilibrage des tâches
- Maintenir une production conforme à la demande du client (suppression de la production par lots et par conséquent réduction du lead time de chaque type de produit)
- Augmenter l’efficacité du travail (en équilibrant le travail de chaque operateur à chaque poste).

Il s’agit d’un pré requis pour le travail au Juste à Temps. La production lissée maximise les avantages du Juste à Temps en nivelant à la fois la quantité et la diversité des pièces durant la période de production.

Principal inconvénient ou point à surveiller
Le lissage n’est réellement raisonnable que si les temps de changement d’un type a l’autre est très faible. Réduisez d’abord vos temps de changement (ou ayez un plan pour) avant de mettre en œuvre la production lissée.

18 octobre 2008

Back to basics … La production en flux continu (PFC)

Les avantages de la PFC sont :
- Réduction des encours (cela réduit mécaniquement le besoin en fonds de roulement)
- Réduction du « lead time » (cela augmente mécaniquement vos chances de livrer votre produit juste à temps)
- Réduction des transports
- Gain surface (c’est pourquoi la surface est un bon indicateur évaluer le niveau du lean d’une implantation d’usine)
- Communication améliorée
- Favorise le travail en équipe et le management
- Favorise la flexibilité de l’outil de production et des équipements

Principal inconvénient:
Avant de mettre en œuvre la PFC, il faut réaliser (ou avoir un plan pour) la stabilité du process.

Pourquoi ?
Réponse : tout arrêt d’une des machines entraine celle de tout le process. Une approximation de la disponibilité d’une telle implantation est : D= d1*d2*…*dn, où d1, d2, …, dn sont les disponibilités individuelles des machines 1, 2, …,n respectivement. Exemple si vous avez 10 machines ayant des disponibilités de 90% (ce qui est considéré comme étant un bon niveau dans beaucoup d’usines), la mise en œuvre de la PFC produira une installation avec une disponibilité de 0,9 puissance 10, soit environ 35%. Ici, la mise en œuvre de la PFC aboutirait virtuellement une multiplication par 7 de la nuisance de vos problèmes. Je pense que si les choses doivent changer aussi drastiquement, il est important de s’y préparer ou d’avoir un plan afin de ne pas risquer désespérer vos équipes…La stabilité est en effet la première étape de la mise en œuvre du lean. Attention, je ne dis pas que tant que vous n’êtes pas 100% stable vous ne pouvez pas passer aux étapes suivantes. En réalité les choses se passent en spiral. Vous commencez par la stabilité et a un moment donné, quand vous estimez avoir bien avancé et vous sentez confiant, vous passez aux étapes suivantes pour « contraindre » un peu le processus ce qui vous permet de faire émerger d’autres problèmes de stabilité et vous « force » a y retourner … d’où le symbole de la spirale. La spirale doit être perçue comme une roue (la fameuse roue d’amélioration continue) dont le diamètre diminue progressivement. La diminution du diamètre, ici, implique l’amélioration permanente….

15 octobre 2008

Un marteau à la recherche de clous…

Mon pénultième (avant-dernier) post « Back to basics… le Takt time » était incomplet au moins sur deux points. Je voudrais y apporter quelques corrections.

Premier point : J’aurais dû préciser que j’engageais une série de posts sur les outils du lean. Je voudrais également rajouter que cette série ne sera pas continue. Elle sera entrecoupée par d’autres posts.

Deuxième point : J’e n’ai pas souligné le fait que ces outils devraient rester ce qu’ils sont, c'est-à-dire des moyens pour atteindre un objectif. L’objectif la plupart du temps est de résoudre des problèmes qui émergent lors de la mise en œuvre de votre stratégie. Ces outils ne sont pas à déployer systématiquement les uns après les autres. En somme, il faut éviter la situation où on a un marteau en main et on se promène littéralement à la recherche de clous. Comme disent les américains : « hammer looking for nails »….

14 octobre 2008

“Toutes les méthodes marchent…”

J’ai quelque fois utilisé cette phrase dans mes précédents posts pour dire que quand on s’occupe d’un sujet quelque soit la méthode utilisée, on observera une amélioration.

Récemment, au travers de mes lectures j’ai découvert une manière très savante de caractériser cela : « The Hawthorne effect ». Cela caractérise la conclusion de recherchent menées entre 1924 et 1932 chez Hawthorne Works (dans la banlieue de Chicago).
Cette étude, qui a eu un impact important sur le management, consistait surtout à observer comment les operateurs réagissaient aux différentes situations (changement dans l’environnement). On a par exemple remarqué qu’un meilleur éclairage des stations de travail, la propreté des lieux, le bon rangement, et la réorganisation des postes de travail produisaient une augmentation de la productivité. Mais seulement sur une courte période de temps. Depuis ce terme est utilisé pour caractériser des approches conduisant à une amélioration de productivité qui ne dure pas. En somme, les gens deviendraient plus productifs à partir du moment où l’on commencerait à les observer ou à s’intéresser à eux….

Maintenant vous savez que dès l’instant ou vous vous intéresserez à un problème dans votre usine il y aura mécaniquement une amélioration. D’où ma formulation : “Toutes les méthodes marchent, très peu résistent au temps”. En effet, le véritable enjeu c’est de faire perdurer l’amélioration obtenue…

J’entends d’ici certains dire « On peut également avoir une lecture positive du Hawthorne Effect : restez en contact avec le terrain, s’intéresser à ce qui s’y passe, permettra de gagner et maintenir la productivité… C’est peut-être aussi là une des explications du succès du Genchi genbutsu ». Ma réponse : En réalité la présence sur le terrain d’un leader doit aller au delà du Hawthorne effect. Il s’agit d’être là pour détecter les problèmes et les résoudre ! C’est cela le lean. Le Hawthorne effect n’est pas la composante principale, il n’est que résiduel ici.

Le Hawthorne effect s’opère très souvent lors des interventions extérieures, notamment des consultants --ceci n’est pas une charge contre les consultants. La prochaine fois quand vous prendrez un consultant utilisez votre perspicacité pour séparer la part amélioration véritable de la productivité de celle due à l’effet de Hawthorne.

11 octobre 2008

Back to basics… le Takt time

Qu’est-ce que le takt time ?
Le Takt est un mot allemand qui signifie « rythme ». Il représente la cadence à laquelle le client demande le produit. Le Takt est ainsi utilisé pour déterminer la cadence de production des pièces pendant la production.
Comment le calcule-t-on ?
Takt time
= Temps total de production / Demande du client

Exemple :

Temps de production = 8 heures (une équipe)
Demande du client = 960 pièces
Alors le Takt time est
Takt time = 8x 3600 / 960 = 30 secondes par unité.
Notez que le Takt time s’exprime toujours en secondes.

Cela signifie que chaque process doit produire une unité toutes les 30 secondes pour satisfaire la demande du client de 960 unités en une équipe (8 heures).

Quels sont les avantages du Takt time ?

- Process facile à manager
- Maintien de la qualité
- Opérateurs comptables
- Sécurité des employés
- Efficacité améliorée