28 août 2006

Les objectifs du TPS

Le but d'une entreprise reste le même...

La question sur les objectifs de Toyota revient très souvent quand l’on commence à s’intéresser au TPS. Dans son célèbre livre, « Le but », E. Goldratt insiste sur le fait que le but de toute entreprise est de gagner de l’argent. Cela reste vrai pour Toyota également. La grande différence par rapport aux autres entreprises c’est la notion du long terme. En effet, on n’utilise pas la même stratégie ou les mêmes moyens pour gagner de l’argent à court ou à long terme. Contrairement à ce qui se passe chez Toyota, la plupart des entreprises occidentales ont une culture de management et un environnement qui rend quasiment impossible une philosophie de long terme. Le style de management n’étant pas l’objet de ce message, je reviendrai sur ce point dans un prochain message.

Pour atteindre ce but, qui est le profit sur le long terme, Toyota s’est donné les quatre objectifs suivants :

  1. Fournir la meilleure qualité et le meilleur service à ses clients
  2. Développer le potentiel de chaque employé en s’appuyant sur le respect mutuel et la coopération
  3. Réduire les coûts par l’élimination des gaspis de manière à maximiser les profits
  4. Développer un outil de production flexible qui peut permettre de répondre à la demande dynamique du marché.

Voilà donc les objectifs du TPS. Il n’y en a pas d’autres. Tous le reste, notamment, les quelques méthodes ou outils les plus connus (Kanban, 5S, VSM, Jidoka, SMED, TPM, JIT, …) ne sont que des moyens pour atteindre les objectifs ci-dessus.

Les hommes d'abord

De ces quatre objectifs, celui où se focalisent souvent les énergies des entreprises occidentales qui se lancent dans le lean est le troisième. En effet, c‘est celui qui est le plus facile à « vendre » aux managers car il permet de produire des résultats rapidement. Malheureusement, l’ignorance des autres objectifs rend les gains réalisés précaires. Le plus difficile n’est pas de faire des gains mais de les pérenniser…
A l’inverse, celui des quatre objectifs qui va dans le sens du long terme et qui donne les résultats les moins visibles rapidement est le deuxième. Il est, à mes yeux, le point le plus important et un des critères qui permet de juger du bon déploiement du lean. Au coeur du TPS, il y a l’Homme. Toyota pense que le pré requis pour obtenir des meilleurs résultats est la participation totale des employés. Toyota se considère moins comme une entreprise (au sens classique du terme) mais plus comme une organisation qui accroît sa valeur en développant les hommes et les partenaires. Comme le disait un des grands managers de Toyota, Gary Convis, « On construit des hommes pas seulement des voitures chez Toyota ». Afin de satisfaire ses objectifs, les hommes dans leurs postes et au quotidien doivent mettre en place et maintenir des standards, résoudre les problèmes, conduire l’amélioration continue et organiser de manière efficace le travail en équipe. On peut malheureusement constater que l’une des entreprises française ayant produit l’un des efforts les plus importants pour « copier » le TPS a également l’un des taux de turnover les plus élevé de la France. Ce résultat est troublant et soulève quelque questions sur le point 2 qui vise à « Développer le potentiel de chaque employé en s’appuyant sur le respect mutuel et la coopération ».
Quant au point 1, il vient en général après le point 3. En effet, le Jidoka qui permet d’atteindre le premier objectif est souvent mal compris, peu et mal appliqué dans les entreprises occidentales. Pour preuve, si vous tapez les mots « 5S », « JIT » et « Kaizen » sur Google, vous obtiendrez respectivement 17 600 000, 13 100 000 et 3 820 000 résultats alors que si vous faite une recherche sur le mot « Jidoka » vous n’aurez que 42 100 réponses.
Le quatrième objectif est quasiment absent. Il est très souvent contrarié par le manque de vision long terme.

Quels sont les objectifs de votre entreprise?

Si nous nous résumions, le lean dans nos entreprises se résume en général à :

  1. Réduction des coûts par l’élimination des gaspis de manière à maximiser les profits.
  2. Fournir des produits et service de meilleure qualité à ses clients.

Il ne s’agit là que de deux des quatre objectifs du TPS et en plus, ils ne sont même pas dans le bon ordre. L’écart entre les objectifs du TPS et ceux de nos entreprises justifie certainement en partie qu’à ce jour (près de 50 après la naissance officielle du TPS), beaucoup d’entreprises aient eu tant de mal à reproduire avec succès le TPS et ses résultats… Malgré une application très rependue de certains outils du TPS (e.g., Kanban, 5S, VSM, SMED, TPM, JIT…)

16 août 2006

Les origines du TPS en bref

L’histoire de du TPS (Toyota Production System) est étroitement liée à celle de Toyota. Le TPS est le résultat des réponses apportées par Toyota aux différents défis qu’il a dû relever depuis sa création. Les concepts du TPS sont, pour la plupart, très anciens et spécifiques à l’entreprise Toyota. Tous les concepts du TPS n’ont pas été inventés par Toyota. Certains concepts ont été importés d’ailleurs (notamment des USA).

Les deux piliers du TPS

Le TPS s’appuie sur deux piliers : le Jidoka et le Juste à Temps. Le Juste à Temps est plus connu sous le cigle JIT ou Just In Time.

Le Jidoka est la partie la plus ancienne du TPS. Elle a été inventée par Sakichi Toyoda, le fondateur de Toyota, en 1902. Le Jidoka a pour but de garantir la qualité à chaque étape du process et, en plus, de permettre la séparation de la machine et de l’Homme. La machine est dite séparée de l’Homme quand elle peut fonctionner de manière complètement autonome sans la présence de l’Homme. Le principal intérêt est que dans cette situation, l’opérateur est capable de s’occuper de plusieurs machines à la fois. Le Jidoka est née au sein de la Toyoda Spinning and Weaving Company, fondée au 19ème siècle par Sakichi Toyoda. C’est dans le cadre de cette société que Sakichi Toyoda invente une machine à tisser qui s’arrête chaque fois qu’elle détecte une corde coupée, prévenant ainsi la fabrication de produit défectueux. Plus tard, en 1924, il crée une machine automatique qui ne nécessite pas la présence permanente d’un opérateur pour produire. Pour la première fois l’opérateur, dont l’activité est ainsi séparée de la machine, peut s’occuper de plusieurs machines en même temps. Les droits de fabrication et d’exploitation de ces machines révolutionnaires hors du Japon seront vendus et une partie des sommes recueillies sera utilisée pour créer une entité Automatismes devenue autonome en 1937. La direction de cette nouvelle entreprise sera confiée à Kiichiro Toyoda, le fils de Toyoda, qui héritera également de l’esprit d’innovation de son père.

Le deuxième pilier appelé Juste à Temps (JIT) est certainement le concept le plus connu au point qu’il est souvent utilisé abusivement en lieu et place du TPS. Redisons-le une fois encore : JIT n’est pas le TPS mais, simplement, une partie. L’expression « Juste in Time » a été inventée par Kiichiro Toyoda après la création Toyota Motor Corporation (le constructeur d’automobile). L’entreprise, alors très pauvre à sa création, ne pouvait se permettre le moindre gaspillage. Il n’était donc pas alors question de gaspiller le peu d’argent disponible pour acquérir plus de ressources (machines, Hommes, matières premières) que nécessaire. Il fallait n’acquérir ou ne fabriquer que le juste nécessaire, ni en avance ni en retard, d’où l’expression « Juste à Temps ». D’autres outils ou notions, arrivés en 1950, viendront compléter la palette du JIT. Parmi ces outils figurent le Kanban (qui est également abusivement utilisé en lieu et place du JIT et par extension en lieu et place du TPS), le travail Standard, les Supermarchés, le Takt time et bien d’autres. J’y reviendrai dans un prochain message.

Les « bienfaits » de la Seconde Guerre mondiale sur le TPS

Après la seconde guerre mondiale et la défaite du Japon, la situation ne s’améliore pas pour Toyota qui en plus de ses moyens limités, mentionnés ci-dessus, se retrouve dans un pays complètement exsangue. Un jeune ingénieur Taiichi Ohno, qui a fait ses preuves au sein Toyoda Spinning and Weaving est alors envoyé chez Toyota avec pour mission d’améliorer la productivité et déployer les deux piliers du TPS : JIT et du Jidoka. Il est nommé à la tête d’une usine de fabrication de moteurs et peut ainsi tester grandeur nature tous le concepts du Jidoka et du JIT entre 1945 et 1955. Le résultat de ce travail constitueront le noyau de ce qui est aujourd’hui appelé TPS. Taiichi Ohno est officiellement considéré comme l’inventeur du Système de Production de Toyota. Dans ses activités, il s’appuie sur une équipe de plusieurs personnes dont l’une des plus connues est Shigeo Shingo.

Les apports d’ailleurs dans le TPS

D’autres éléments tels que : les sept gaspis, le 5S, le SMED, Le management Visuel, le Poka-Yoké et bien d’autres seront inventés plus tard.
Il convient de signaler que le TPS a largement profité des résultats du travail de personnes extérieures à Toyota telles que :
Henry Ford , W. Edwards Deming, Frederick Taylor (le père de l’organisation scientifique du travail), Samuel Smiles (l’auteur de Self-Help 1859, qui prône la persévérance, la discipline et le management basé sur les faits), Charles Allen (dont le travail est à l’origine du Training Within Industry, développé par l’armé américaine pour améliorer l’efficacité dans l’industrie durant la seconde guerre mondiale). Nous y reviendrons dans un autre message.

Il faut reconnaître que le TPS et le Toyota Way est constitué d’un ensemble d‘outils, de concepts et d’éléments culturels qui doivent leur existence à plus qu’une personne (fût-elle Taiichi Ohno) ou un groupe de personnes. Bien au contraire, c’est le résultat évolutif du développement des idées venues de partout. La spécificité chez Toyota étant à la fois la fidélité à leurs principes fondateurs et la volonté infatigable d’intégrer les meilleures idées internes et externes dans leurs activités.

10 août 2006

Bienvenu sur « Lean Machine » !

Pour lancer le blog Lean Machine j’ai pensé qu'il faudrait commencer par les basics et répondre à quelques questions dont certaines sont peut être à l’origine de votre visite. Dans ce premier message je me limiterai à répondre à la question : Qu’est-ce que le lean ?

Si vous cherchez le mot « lean » dans un dictionnaire Anglais – Français, vous trouverez des définitions qui tournent plus ou moins autour des mots suivants : accoter, inclinaison, incliner, maigre, mince, s'arc-bouter, s'incliner, sec… Le sens à retenir dans cette liste de synonymes est celui de « maigre » ou « mince » même si le lean n’a absolument rien à voir avec la diététique, les techniques de soin du corps ou la gymnastique.

Alors, qu’est-ce que le lean ?

Le lean est un ensemble de méthodes de travail et de management basées sur le Système de Production de Toyota, généralement désigné avec le sigle TPS (Toyota Production System). Le mot lean dans cette acception a été « inventé » par un groupe de chercheurs de l’
IMVP au MIT dans la fin des années 80. Ce mot doit son succès à celui du best-seller dans lequel il est apparu la première fois : "The Machine That Changed The World."

Le mot lean est très souvent utilisé dans des expressions telles que « Lean Production », « Lean Manufacturing », « Lean Enterprise » et « Lean Thinking ». Dans toutes ces expressions, la signification est globalement la même. Leur utilisation de l’une ou l’autre de ces expressions dépend de la notion / dimension sur laquelle l’on souhaite insister. Par exemple l’expression Lean Entreprise véhicule plus que les autres l’approche globale dans la mise en œuvre du lean qui ne doit pas seulement être appliqué dans les usines mais également dans quatre autres domaines : les fournisseurs, les clients, le développement des produits et le management global de l’entreprise.

Où peut-on appliquer le lean ?

Le lean est utilisé non seulement dans l’industrie mais aussi dans beaucoup d’autres domaines tels que le génie-civil, l’aéronautique, l’administration, les services, la banque, l’armée, la santé, … De manière générale, comme toute méthodes qui sont à la mode l’on essaie de l’appliquer un peu partout avec des fortunes diverses.

Lean ou TPS ?

Je ne vais pas m’étendre davantage sur la définition du lean mais plutôt m’appliquer tout de suite un principe bien connu chez Toyota qui consiste à « aller à la source … ». Comme nous l’avons vu ci-dessus, le TPS est à la base du lean. Par conséquent, aller à la « source » du lean, c’est discuter du TPS. Ainsi, dans mes prochains messages je m’attellerai à vous présenter quelques concepts clés du TPS. Le but n’est pas d’être exhaustif mais de donner un résumé succinct des éléments les plus distinctifs du TPS. Si vous êtes à la recherche de documents abordant le sujet de manière complète et extensive, je vous invite à vous reporter à l’un des bouquins de références suivants :
– « Toyota Production System » de Yasuhiro Monden,
– « The Evolution of a Manufacturing Systems at Toyota » de Takahiro Fujimoto
– « A Study of the Toyota Production System from an Industrial Engineering Viewpoint » de Shigeo Shingo,
– « Toyota Production System: Beyond Large Scale Production » de Taiichi Ohno,
– « The Toyota Way » de Jeff Liker.

Voici quelques liens vers les sites directement associés à Toyota :
Le site de Toyota
Le site de l’usine Toyota de Kentucky USA
Le site NUMMI, l’usine Toyota – GM de Californie USA
Le site de l’usine Toyota de France

Dans cette série de messages à venir sur le TPS, je prévoie d’aborder les points suivants :
– Les origines du TPS
– Les objectifs du TPS
– Les principaux concepts du TPS : Le respect des hommes, L’élimination du gaspillage, La qualité, La réduction des coûts, La productivité, La sécurité et la motivation, Le Jidoka, La standardisation, Le Juste à Temps, Le flux tiré, Le Kanban, Le Lissage de la production, Le Takt time, Le flux, La fiabilité du process

Une fois de plus, bienvenu à tous ! J’espère que l’on fera un bon bout de chemin ensemble et que chaque jour, au travers de nos échanges, nous serons plus instruits qu’hier et moins instruits que demain.