21 août 2008

La Loremo : une approche vraiment lean pour réduire la consommation des voitures

Les principales approches et recherches conduites à ce jour sur la réduction de la consommation en carburant des voitures se focalisent sur les moteurs sans modification fondamentale de la conception même des voitures. Qu’il s’agisse du moteur diesel (avec ou sans filtre a particule), du moteur éthanol/flexifuel (avec toutes les interrogations sur son efficacité réelle et son impact sur la famine dans le monde) ou même du moteur hybride, la plupart des constructeurs de voitures concentrent leur solutions sur la motorisation. Même Toyota, le maître, n’échappe pas à cette logique… En même temps, on a remarqué que les voitures n’arrêtaient pas de « grandir », d’une génération à la suivante.

"Simple, clever, fun"
La Loremo ou « Low Resistance Mobile » ne se focalise passe sur la motorisation mais sur la voiture elle même. En effet pourquoi a-t-on besoin de 2 tonnes de ferraille pour transporter un individu de 80 kg ; soit 4% de VA ? Les concepteurs de la Loremo ont complètement revu la conception de la voiture de manière à réduire son poids et sa résistance a l’air (d’où son nom). A partir de là, tout s’enchaîne car on n’a plus besoin d’un moteur surpuissant pour déplacer la voiture. Un deux-cylindres suffit ! En réalité, le type de moteur (éthanol, hybride, diesel,..) devient secondaire.
Tout cela abouti à une voiture qui consomme environ 1,5 litre tous les 100 kilomètres et ne rejette que 50 grammes de dioxyde de carbone au kilomètre (soit 40 grammes de moins que la toute petite smart). Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, le résultat est une voiture à l’allure très sportive. Cela est bien conforme au slogan des concepteurs : "Simple, clever, fun”. Ci-dessous, quelques photos issues de l’article suivant : http://editorial.autos.msn.com/article.aspx?cp-documentid=457882

Pourquoi cette approche est-elle intéressante ?
Se focaliser sur le poids des voitures est complètement dans l’esprit du lean : supprimer le Muda d’abord et à la source. Le constructeur de la Loremo s’est focalisé sur le poids du véhicule et a tout fait pour le réduire. Comme l’affirme Gerhard Heilmaier, le PDG de Loremo AG : Le facteur clé est bien le poids de la voiture et non le moteur.
La production série est prévue pour l’année prochaine, prix de base : 15000 euros.
Seuls détails qui pourraient être perçus comme des inconvénients par certaines personnes : il faut pénétrer dans la voiture par l’avant et les occupants sont installés épaule contre épaule, à l’avant comme à l’arrière. Pour moi, cela est OK. Et vous ?


14 août 2008

La curieuse approche française de “la voix du client” quand il s’agit de voitures haut de gamme

En 1983 au cours d’une réunion top-secrète, Toyota décide de se lancer dans le haut de gamme (véhicule de luxe) sur le marché américain alors dominé par les prestigieuses marques allemandes (Mercedes & BMW) et américaines (Cadillac & Lincoln). Jusqu'à ce moment là, Toyota était un des meilleurs fabricants de voitures grand public et il s’agissait là d’un énorme défi pour le constructeur nippon. Le défi était non seulement technologique mais aussi financier. Cela représentait des investissements de plusieurs milliards de dollars. Comment se faire une place sur ce marché très prestigieux où l’image a beaucoup d’importance ? Pour donner aux clients des raisons de changer, Lexus devait offrir plus de valeur ajoutée que les autres à un prix plus bas… Pour vous donner une idée du challenge, c’est comme si McDonald décidait du jour au lendemain de faire du Paul Bosuse... Nul besoin de vous dire combien les observateurs étaient sceptiques.
Apres un vif débat interne, la décision fût prise de créer de toute pièce une nouvelle marque avec sont réseau de distribution. Ce choix rendait le défi financier encore plus important. En effet, cela voulait dire non seulement un nouveau réseau commercial mais aussi de nouvelles usines, un nouveau centre R&D,… C’est ainsi que la première Lexus (LS 400) arriva sur le marché en 1989. En 2000, Lexus devient la marque numéro 1 en termes de vente de véhicules de luxe, place qu’elle n’a plus jamais quittée. Il serait très difficile de résumer 19 années d’histoire de l’une des plus grandes « success stories » de l’histoire de l’automobile (voire de l’histoire industrielle tout court) dans un post de blog. Cette histoire est exemplaire tant en termes de prise de décision stratégique qu’en termes d’exécution. De nombreux livres en parlent et je les conseillerais vivement à tout manager de l’industrie (automobile ou non). Cette histoire montre surtout l’importance que Toyota a toujours portée à la « voix du client ». Quand on en prend connaissance on se demande comment nos deux constructeurs français peuvent penser avoir du succès dans le haut de gamme en utilisant les mêmes équipes pour concevoir, produire, marketer, commercialiser une voiture sensée être haut de gamme qu’une Peugeot 107 ou une Twingo ? S’agissant du commerce et du marketing, tout le monde comprend que l’on ne vend pas un 607 comme on vend une 107. L’histoire de Lexus nous apprend pourquoi on ne devrait pas vendre une 107 au même endroit qu’une 607, pourquoi les deux voitures ne devaient pas être vendues les mêmes personnes et surtout pourquoi les deux voitures ne devaient porter la même marque. Toyota pousse même la prise ne compte de la « voix du client » plus loin que cela. Le chief engineer (directeur de projet) d’une Yaris ne peut pas forcement devenir du jour au lendemain celui d’une Lexus. Dans les nominations du chief engineer, Toyota tient compte du background des personnes. Ainsi, ils ne vont certainement pas designer une personne qui n’a jamais mis ses pieds en Californie ou conduit des voitures de luxe chief engineer d’une Lexus destinée à la côte ouest des USA (à moins que l’on considère que la phase initiale d’immersion soit suffisante). Quelle que soient les qualités techniques de cette personne, son background peut être considéré comme une barrière qui l’empêchera d’accéder à la « voix du client ». D’ailleurs la première chose que fait un chief engineer après sa nomination est d’accéder à la « voix du client ». Cela signifie certainement que notre chief engineer passera beaucoup de temps aux USA à observer le mode de vie des potentiels clients et a s’immerger dans leurs habitudes de conduite. Je n’ai pas l’intention de faire de la stratégie à deux euros mais mon sentiment est que tant que les deux constructeurs français continueront à « mélanger » le haut de gamme et le reste, ils passeront toujours après les allemands. Créer une nouvelle marque n’est pas synonyme de succès mais ne pas le faire limite considérablement les chances de succès. Apres tout, Nissan ou Honda ne sont pas numéros 1 avec leur marque haut de gamme respective Infiniti et Acura…

07 août 2008

Le temps de la ruée vers l’ouest est-il venu pour PSA Peugeot Citroën ?

GM vient de d’annoncer des pertes record de plus de 15.5 milliards de dollars. La récession économique combinée à la hausse sans précédent du prix de l’essence aux USA a conduit les américains à abandonner leurs véhicules préférés : les trucks et les SUV. Cela est allé très vite. Tout les constructeurs présents aux USA ont été frappés, y compris Toyota qui a vu ses ventes baisser de près de 12%. Les ventes de trucks ont plongé de 23% chez GM, d’environ 20% chez Ford, cette année. Alors face à cette situation, que font les constructeurs installés aux USA ? Ils abandonnent tous les SUV et les Trucks pour se reconvertir aux véhicules plus petits et des véhicules moins consommateurs d’essence (y compris les véhicules hybrides). Véhicules plus petits… Cela ne vous fait penser à rien ?
L’Europe n’est-ce pas ? Les américains vont bientôt passer aux petits véhicules du si courants dans le vieux continent. Tous les constructeurs installés aux USA s’y sont lancés. Mais comme vous le savez il leur faudra du temps. Il faut compter 3 à 4 ans, voire plus pour que les véhicules arrivent sur le marché. Il leur faudra aussi du cash et leur récentes pertes astronomiques ont largement entamé leur réserves en cash. Dans ces conditions, Ford a décidé d’importer aux USA six de ses modèles actuellement fabriqués et commercialisés en Europe. Et c’est là que je pense à PSA Peugeot Citroën, qui ces dernières années, a eu des velléités de retour aux USA. Eh bien, malgré la situation économique difficile, les conditions semblent particulièrement favorables pour ce spécialiste européen de petites voitures. PSA maîtrise la conception et la production des petites voitures. Cela le met en position favorable pour trouver, et bien négocier un partenariat aux USA. Cela au cas où il ne souhaiterait pas s’il lancer tout seul, ce qui me semble plus raisonnable comme approche… Ces derniers temps PSA a beaucoup regardé vers l’Est, le moment de la ruée vers l’ouest est peut-être venu. Cela ne va certainement pas être simple car j’imagine que les deux nouvelles usines lancées par PSA ces dernières (plus une joint-venture) ont certainement réduit ses capacités de mobilisation de cash.

Comme vous le diront les businessmen les plus aguerris, en business tout peut être opportunité, même les événements les plus malheureux tels que la guerre et la crise économique …

05 août 2008

Le travail standard: encore des avantages…

Dans un précédent post, je citais quelques avantages du travail standard. Je rappelle que le travail standard ne se limite pas à la rédaction de documents. La rédaction des documents ne serait que du pur gaspillage si on n’implémentait pas les deux phases suivantes. En réalité, si on n’est pas certain d’aller jusqu’au bout autant ne même pas commencer. Il y a deux étapes importantes qui suivent la rédaction des documents : la formation et la vérification (audit) permanente du respect des standards. Quand le travail standard est correctement mis en œuvre on peut s’attendre aux gains suivants :
– Réduction du nombre de pièces défectueuse d’environ 70%
– Réduction des coûts de plus de 30%
– Augmentation de la productivité de 50%
– Réduction des accidents de 80%
Il s’agit bien sûr d’ordre de grandeur. Le résultat final dépendra bien évidemment de votre situation de départ et de la qualité de l’exécution.
J’ai également retrouvé des données qui montrent qu’une bonne partie d’accidents de production sont dus aux comportements à risque (68%) –voir le graphe ci-dessous. Par conséquent, la mise en œuvre et le respect du travail standard contribuera énormément a l’amélioration de la sécurité sur le lieu de travail. Ce n’est pas étonnant que Toyota soit, une fois de plus, parmi les meilleurs au monde parmi les meilleurs au monde dans le domaine de la sécurité au travail.

03 août 2008

Le lean, « la culture du goulot », et la crise économique

Combien de fois avez vous entendu quelqu’un vous dire « pour conduire toute amélioration, il faut vous focaliser sur votre goulot d’abord! » ?

« L’œuvre de Dieu et la part du diable »
L’un des livres que je conseille très souvent à mes étudiants (ECP et SUPELEC) est « Le But » de Goldratt. En général, je l’accompagne toujours du commentaire : « tout n’y est pas parfait mais c’est un bon point de départ ». En effet, ce « best seller » a la puissance et l’inconvénient que peut avoir un slogan. Un slogan permet de communiquer de manière efficace mais il a également l’inconvénient d’être réducteur.

La prémisse de ce que j’appellerais la « culture du goulot » est : « il y a toujours un goulot dans votre usine » et le reste se passe comme suit :
1. trouvez ce goulot
2. supprimer le goulot
3. puis, passer au goulot suivant
4. aller à 2.

Cela est tellement bien respecté que dans certaines compagnies, la mission des personnes en charge de l’amélioration continue se résume a un travail de cherche-le-goulot-et-supprime-le.
En réalité il y a beaucoup de situations où le goulot n’est plus une contrainte. Dans ce cas que faut-il faire ?

Avant de répondre à cette question revenons au bouquin de Goldratt. Un autre point qui y est très bien présenté est « le but » d’une entreprise. Le but d’une entreprise, quelque soit sa stratégie, est de gagner de l’argent. Et comment gagne-t-on de l’argent ?
En faisant des profits :

profits = marge moyenne * nombre d’unités
marge moyenne = prix de vente moyen – coût moyen

Une entreprise gagnera de l‘agent en actionnant l’un ou les deux leviers suivants
1. augmenter le nombre d’unités vendus, ou/et
2. augmenter la marge moyenne

En réalité nous contrôlons toujours le point (2), via la réduction des coûts bien sûr (et non par l’augmentation du prix de vente qui, comme tout le monde le sait, est fixé par le marché). Nous n’avons pas toujours de contrôle sur le point (2), surtout en période de crise économique. En effet, dans cette situation, la demande baisse et votre goulot n’est plus une contrainte. Alors pourquoi s’y focaliser ?

En période de crise économique, que faut-il dont faire ? Tout simplement se focaliser dur la réduction des coûts, surtout ceux qui augmentent rapidement : les frais généraux, l’énergie, les matières premières, les coûts de main d’œuvre,...

La prochaine fois que vous demanderiez a quelqu'un de « focaliser sur son goulot d’abord! », dites-vous que cela n’est peut-être pas le bon conseil… Se focaliser sur son goulot marche quelquefois mais pas toujours.