03 août 2008

Le lean, « la culture du goulot », et la crise économique

Combien de fois avez vous entendu quelqu’un vous dire « pour conduire toute amélioration, il faut vous focaliser sur votre goulot d’abord! » ?

« L’œuvre de Dieu et la part du diable »
L’un des livres que je conseille très souvent à mes étudiants (ECP et SUPELEC) est « Le But » de Goldratt. En général, je l’accompagne toujours du commentaire : « tout n’y est pas parfait mais c’est un bon point de départ ». En effet, ce « best seller » a la puissance et l’inconvénient que peut avoir un slogan. Un slogan permet de communiquer de manière efficace mais il a également l’inconvénient d’être réducteur.

La prémisse de ce que j’appellerais la « culture du goulot » est : « il y a toujours un goulot dans votre usine » et le reste se passe comme suit :
1. trouvez ce goulot
2. supprimer le goulot
3. puis, passer au goulot suivant
4. aller à 2.

Cela est tellement bien respecté que dans certaines compagnies, la mission des personnes en charge de l’amélioration continue se résume a un travail de cherche-le-goulot-et-supprime-le.
En réalité il y a beaucoup de situations où le goulot n’est plus une contrainte. Dans ce cas que faut-il faire ?

Avant de répondre à cette question revenons au bouquin de Goldratt. Un autre point qui y est très bien présenté est « le but » d’une entreprise. Le but d’une entreprise, quelque soit sa stratégie, est de gagner de l’argent. Et comment gagne-t-on de l’argent ?
En faisant des profits :

profits = marge moyenne * nombre d’unités
marge moyenne = prix de vente moyen – coût moyen

Une entreprise gagnera de l‘agent en actionnant l’un ou les deux leviers suivants
1. augmenter le nombre d’unités vendus, ou/et
2. augmenter la marge moyenne

En réalité nous contrôlons toujours le point (2), via la réduction des coûts bien sûr (et non par l’augmentation du prix de vente qui, comme tout le monde le sait, est fixé par le marché). Nous n’avons pas toujours de contrôle sur le point (2), surtout en période de crise économique. En effet, dans cette situation, la demande baisse et votre goulot n’est plus une contrainte. Alors pourquoi s’y focaliser ?

En période de crise économique, que faut-il dont faire ? Tout simplement se focaliser dur la réduction des coûts, surtout ceux qui augmentent rapidement : les frais généraux, l’énergie, les matières premières, les coûts de main d’œuvre,...

La prochaine fois que vous demanderiez a quelqu'un de « focaliser sur son goulot d’abord! », dites-vous que cela n’est peut-être pas le bon conseil… Se focaliser sur son goulot marche quelquefois mais pas toujours.

3 commentaires:

Fabien Flotte a dit…

Bonjour Alain,
Je vois que tu as repris avec entrain ton blog, que je trouve toujours aussi passionnant à lire. Quant à moi, voici mon premier post.

Concernant les goulots (de production) en phase de crise économique, on peut tout de même considérer que les supprimer permet d'améliorer la fluidité de sa production.

De ce fait on réduit un certains nombres de gaspillages, du type attentes de la MOD ou stocks. Ce qui amène à baisser ses coûts de production et à augmenter sa marge.

Certes ce n'est peut-être pas la tête de Pareto, mais ce n'est pas inutile, et rejoint d'ailleurs certaine utilisation de la main d'oeuvre en période de crise que tu proposais dans ton précédent post.

Alain Patchong a dit…

Fabien,
Merci pour tes percieux commentaires. Les uns aussi pertinents que les autres. Sur le sujet precis du goulot, je comprends ta position. Le point que je souhaitais souligner est le fait qu'en periode de crise economique, la demande baisse et le goulot cesse d'etre une contrainte dans le flux (je reviendrais dans un prochain post sur ces notions de goulot, contraintes, pacemaker, pacesetter... telles que les definissent les uns et les autres). Dans ces conditions, l'on peut donner la priorite aux gains de productivite et, apres, regarder le goulot dans espoir que les bons temps seront de retour bientot...
Alain

clecuret a dit…

Cet article m'étonne. Je viens de relire ce livre (Le but). Et même si je partage complètement votre avis ("tout n'y est pas parfait mais c'est un bon début), il n'en reste pas moins vrai qu'un des points sur lequel "Jonah" insiste est que "réduire les couts seulement" est une arlésienne ( milieu du chapitre 11 me semble-t-il )