03 juillet 2008

Quelle est la capacité optimale du stock chez Toyota?

Suite à mon dernier podcast relatif au niveau des stocks chez Toyota, j’ai reçu un certain nombre de questions des lecteurs du blog. Je vais m’attarder plus précisément sur l’une d’entre elles : Quel est le niveau de stock optimal chez Toyota ?
Comme je l’expliquais très succinctement dans le podcast, initialement, la consigne chez Toyota était le « zéro stock » il y a quelques années. Consigne imposée par l’inventeur du TPS Taïchi Ohno. Je souligne que beaucoup de consultants du lean en sont restés à ce « dogme ». Si quelqu’un vous affirme que le « zéro stock » est la règle, méfiez-vous en.
Pour revenir à notre sujet, après la retraite du grand maître du TPS, Taïchi Ohno, les ingénieurs de chez Toyota se sont rendu compte qu’un peu de stock permettait d’absorber de petites variabilités naturelles du système avec un effet très positif sur la production. Je rappelle que l’un des 3 Mu que combat Toyota est le Mura. Nous l’oublions quelque fois. Sans faire de jeu de mots un peu de Muda (stock) permet de réduire le Mura. La règle est également vraie pour le Muri. Un peu de Muda (éviter de charger les hommes et les machines a 100%) permet de d’éviter le Muri. Revenons à notre sujet. Je voudrais rappeler qu’une ligne comportant des opérations manuelles aura toujours un temps de cycle variable. Dans ces conditions il est intéressant de découpler cette ligne des lignes amont et/ou aval par des petits stocks (il ne s’agit pas de positionner des stocks entre les postes de la ligne mais bel et bien de découpler la ligne toute entière). Ces petits stocks ont également une fonction opérationnelle et « managériale » chez Toyota. En effet, ils servent de « frontières » entre les différentes équipes. Ces petites équipes ont a leur tète des team leaders qui jouissent d’une relative autonomie conférée par ces petits stocks amont et aval.
Eh bien, quelle doit être la capacité de ce petit stock alors ? Toyota n’utilise pas d’équation très compliquée pour cela. Je dois avouer que l’approche de Toyota sur ce point précis peut être décevante pour les aficionados des méthodes analytiques. L’approche est plutôt empirique et dupliquée dans les nouvelles usines. Très généralement, sur une ligne a 60 pièces / heure, ils mettront des stocks de 5 places. Pourquoi 5 places ? Je n’ai pas plus d’explication que vous. Je ne suis même pas certain que cela soit important. Un stock de 5 places leur permet d’absorber ce qu’ils considèrent comme des micro arrêts (jusqu'à 5 minutes, suivant l’état du stock). Toutes les autres pannes amont ou aval qui arrêtent la ligne (et surtout celles de plus de 10 minutes feront l’objet d’un traitement spécial et approfondi, explications, recherche de cause racines,…) Au lieu de rechercher le chiffre magique ici, je pense que ce qu’il faudrait plutôt retenir c’est la démarche / organisation. Un petit stock pour absorber les petits problèmes de manière à ne pas pénaliser la production. Ce stock permet aussi, au passage, de définir les limites des équipes… La capacité de stockage doit, toutefois, rester suffisamment faible pour permettre de faire surfacer les problèmes… Je rappelle, une fois de plus, qu’un des principes fondamentaux chez Toyota consiste à rendre les problèmes visibles et les traiter.
Une fois de plus, ce sujet montre que Toyota donne la primauté au management/processus, par rapport à la technique. La quantité précise des stocks est moins importante que l’utilisation que l’on en fait. Mon conseil, si vous avez beaucoup de stocks dans votre usine, appliquez la méthode spirale (cela a la forme d’un escargot). Réduisez-le progressivement et, à chaque fois diminuez un peu plus que nécessaire de manière a maintenir une certaine « contrainte » pour challenger vos équipes. Mais les abandonnez pas a leur soucis car il faut toujours associer le « challenge » au soutien. Un dernier mot : si vous déployez sérieusement le lean, cela coutera toujours moins cher de les diminuer (voire supprimer certains) que de les garder.
Voila…

2 commentaires:

Régis a dit…

Bonjour Alain,
merci pour cet éclairage. Une fois de plus le pragmatisme et l'expérience semble l'emporter sur la théorisation et la modélisation...
Plus j'avance dans la découverte du TPS, plus l'écart culturel me semble être un obstacle majeur dans la diffusion de la philosophie lean.
Régis

Fabien Flotte a dit…

Bonjour Alain,
Pour apporter de l'eau à ton moulin, voici une petite anecdote à propos du stock opérateur chez Toyota.

Dans une usine hors Japon, un responsable local présentait, satisfait, à un responsable de la maison mère, un petit transfert de pièce fonctionnant par gravité, entre deux opérateurs.

Le garant du TPS constata aussitôt qu'on pouvait y accumuler jusqu'à 3 pièces, et sermona son collègue. Hors stock de fin de ligne, on ne devait pas pouvoir accumuler plus d'une pièce entre deux opérateurs, flux continu oblige !